16
June
2025
·
Rémi Le Druillenec
Intéressons-nous à huit adresses internationales qui redessinent les contours de l’expérience beauté de demain.
Printemps, le parcours beauté devient une exploration
Impossible de revenir de New York sans faire l’éloge de ce qui marque sans doute l’entrée des grands magasins dans une nouvelle ère. L’institution française inaugurait au mois de mars sa première adresse américaine qui dédie plusieurs centaines de mètres carrés à l’offre beauté. Et ce qui arrête l’œil dès les premières secondes est la réécriture des archétypes retail. Ici les backwalls deviennent niches circulaires, les allées rectilignesse transforment en corridors sinueux et les postes de consultation se rapprochent du sol et abandonnent les tabourets hauts au profit de bouts de canapés. C’est donc un tout autre rapport à soi, son bien-être, qui est proposé ici. On en oublierait presque que l’on est dans un grand magasin !

Skims, une approche du look et du corps très efficace
Qui aurait dit il y a deux ans, qu’après avoir imposé au monde une nouvelle silhouette féminine, Kim Kardashian allait offrir une vision du retail tout aussi clivante. La star des réseaux sociaux nous proposesur la 5ème avenue un flagship à son image : franc et sans ambages. L’accueil est ici pris en charge par une statue grecque colossale qui se présente aux visiteurs en toute intimité. C’est ensuite une mise en scène des corps et des carnations de peaux dans leur plus grande diversité qui guide les clients dans leur découverte des produits. Ces coloramas et des systèmes de navigation très efficaces viennent ainsi réveiller l’univers blanc poudré de l’architecture. On ressort de ce magasin relativement rapidement, non pas que l’on s’y sente mal, mais parce que tout a été pensé pour fluidifier au maximum le parcours client.

Hourglass, le produit est la star, pas de place pour le marketing
C’est à nouveau une marque américaine (californienne pour être plus précis) qui a fait l’actualité au mois de mars avec l’ouverturede sa première boutique. Hourglass, connu pour son design produit très slick, a investi le quartier de Soho pour une expérience qui se concentre sur l’essentiel. Ici, pas de visuel de campagne, pas de message ni même de code de marque. Les seuls à pouvoir se montrer aux visiteurs sont les produits, largement mis en scène sur lescomptoirs centraux. Un ascétisme qui interroge, tant il est aujourd’hui crucial de connecter émotionnellement avec les visiteurs.
Amouage, Shanghai : la parfumerie devient légende immersive
À des milliers de kilomètres de New York, c’est dans le quartier historique de Zhang Yuan que la maison omanaise Amouage nous embarque dans un tout autre récit. En hommage aux racines moyen-orientales de la marque, la boutique propose un véritable voyage sensoriel inspiré des aventures de Sindbad le Marin. Sous une coque de boutre en suspension, entre travertin fossilisé, coraux monumentaux et lumières aquatiques, le client devient explorateur. Plus qu’un espace de vente, The Sillage affirme une conviction forte : faire du retail un théâtre d’émotions, où la scénographie, les textures et les mécaniques inspirées de la mer font du parfum un prétexte à l’émerveillement.
Charlotte Tilbury, Londres : du produit à la communauté
La marque britannique rebat les cartes avec un flagship londonien qui fait la part belle à l’expérience, au sens littéral du terme. Ici, le produit laisse place au service. Un étage entier est dédié au Skin Spa, au Scent School, aux Beauty Boudoirs et au Pillow Talk Lounge – autant de lieux pensés pour apprendre, se faire chouchouter, ou simplement partager un moment entre amis. Dans cet écrin rose gold, le retail devient média. Un espace d’engagement où se mêlent masterclasses, diagnostics personnalisés, et moments de vie. Ce n’est plus la marque qui s’impose auclient : c’est le client qui s’approprie la marque, en y projetant ses propres rituels.

The Ordinary, Londres : preuve, transparence et autonomie
Chez The Ordinary, l’expérience commence par une promesse simple : les faits d’abord. Dans sa boutique londonienne, la marque rend visibles ses engagements — environnementaux, sociaux, scientifiques — à chaque étape du parcours. QR codes interactifs, écrans explicatifs, fiches produits détaillées : tout est conçu pour une découverte autonome, fondée sur la pédagogie. Une démarche qui fait écho aux attentes des nouvelles générations puisque 75 % d’entre eux souhaitent des informations claires, basées sur la science*. Ici, la transparence devient une arme de fidélisation massive. (*VICE, Guide to Culture, 2022)

Chanel Maison de Beauté, Paris : la technologie au service du lien
Direction Paris, où la Maison Chanel poursuit sa quête d’excellence avec un lieu inédit. Sur trois étages, la marque propose une lecture holistique de la beauté, fidèle à l’adage de Gabrielle Chanel : "Les soins de beauté doivent commencerpar le cœur et l’âme." Ce qui frappe ici, c’est l’intelligence du dispositif : au rez-de-chaussée, un parcours maquillage-soin ; à l’étage, une expérience de parfumerie augmentée par une IA qui simule la perception olfactive des autres sur soi. Et surtout, des conseillers incarnant parfaitement le storytelling et la vision de la Maison. L’expérience est intime, fluide, augmentée. Une manière élégante de réconcilier technologie et humanité.

Carolina Herrera, Paris : l’ultra-viralité comme levier communautaire
À l’heure où les marques cherchent à étendre leur communauté, le Good Girl Coffee Shop éphémère de Carolina Herrera coche toutes les cases d’une masterclass en viralité culturelle. Glam Bot, DJ sets, running clubs, cafés signature… chaque activation devient un contenu en puissance. Plus qu’un pop-up, c’est un manifeste pour un retail partageable, instagrammable, revendiqué. Le café devient studio photo, le parfum devient média. Et chaque visiteur devient ambassadeur naturel, sans incitation. Une preuve que le retail ne se pense plus seulement in-store, mais on-feed.

De Shanghai à Paris, en passant par Londres ou New York, ces adresses nous rappellent que l’expérience beauté ne se pense plus uniquement en mètre carré ou en part de marché. Elle se conçoit désormais comme un espace de transformation personnelle, un média émotionnel, un lieu de culture, de communauté et d’exploration.
Pour rester désirable, pertinent et tournévers l’avenir, le retail beauté doit opérer plusieurs déplacements :
- Passer de la transaction à la transformation, en concevant les boutiques comme des scènes de développement personnel.
- Passer du produit à la personne, en mettant l’accent sur les rituels, le bien-être et les liens humains plutôt que sur la simple conversion
- Passer du statique au social-by-design, en pensant chaque point de contact comme prêt à vivre en ligne, partageable et interactif.
- Passer de l’inspiration à l’activation, en transformant les lieux de vente en plateformes de créativité, d’éducation, de personnalisation en temps réel — grâce à la technologie comme à la médiation humaine.
Loin d’un modèle unique, c’est la diversité des approches — immersives, ascétiques, communautaires, pédagogiques ou expérientielles — qui montre la vitalité du retail beauté.
"Demain, on n’ira plus en boutique pour acheter un produit, mais pour vivre une histoire."
Article disponible en version print du numéro de Juin 2025 Cosmétiquemag
Héroïne c’est l’art de concevoir des expériences qui marquent les esprits. Scénographie, design d’espace et narration sensible au service de votre univers et celleux qui l’habitent.